Si vous portez les lunettes bleues de tout à l’heure vous verrez peut-être la voix profonde qui, de sa voûte, ombre l’espace bleuté. C’est un tableau musical qui se narre sur un dos. La nudité ritournelle et le mouvement adagio d’une mythologie qui met le bleu à la mélopée. Et la lecture de Proust s’étend en longues phrases suggestives et s’écoule en d’infinies couches qui se mêlent les unes aux autres. On perçoit encore l’ombre vacillante penchée sur le bureau et celle du narrateur, littéralement brillant, qui savoure les mots dits. Les mots s’emmurent, silencieux ou flottants, mais pas toi, le corps qui peut devenir. Et tu t’imaginais quoi ? Devenir toi aussi un mur ? Déraison ! Tu devrais plutôt fuir… Car l’autre s’occupera de toi en te fusillant d’un fragment de corps et d’un éclat de bleu.
Eliott Pradot, à propos de Remise Venise d’Yves Noel Genod